L’idéal démocratique se nourrit de vision politique

La situation des démocrates togolais n’est pas heureuse, plus d’une année après la disparition (subite) du Général Eyadema et le coup de force militaire et électorale perpétrée par sa famille pour garder la mainmise sur le pouvoir d’Etat. Au contraire les antagonismes au sein de l’opposition se sont accentués et la rupture est quasiment consommée entre les (traditionnels) leaders de l’opposition et les forces citoyennes de base. L’échec du dialogue politique de Lomé – il faut bien que l’on l’admette – consacre l’annihilation de ces adversaires par le régime du Rassemblement du Peuple Togolais. Ce dernier s’est quant à lui renforcé, affichant au grand jour les ambitions de conservation de ses deux composantes : l’Armée tribale et la famille Gnassingbé. De plus, il a gagné du renfort provenant de l’opposition modérée. Devant cet état de chose, les initiatives et les réflexions qui continuent à se mener çà et là nous interpellent, du point de vue de leur pertinence par rapport aux attentes réelles du peuple togolais, aujourd’hui.

Ce qui fait le malheur des démocrates togolais, c’est avant tout le déficit de culture politique. Depuis 1990, les filles et fils du Togo ont été abreuvés d’ambitions de changement. Tous les partis politiques créés à la veille ou au lendemain de la Conférence nationale de 1991 étaient porteurs d’une ambition qui s’identifiait soit à la conquête intégrale et la gestion du pouvoir, soit au positionnement d’un acteur ou d’un groupe d’acteurs en prévision de la nouvelle donne politique qui serait absolument démocratique. Il est aujourd’hui superflu de revenir sur les erreurs et l’amateurisme de certains de ces positionnements. Cependant il faut reconnaître que les mouvements politiques nés dans ces conditions et leurs responsables n’ont guère su animer la dynamique de la transformation de la société togolaise vis-à-vis de l’idéal politique. Les ambitions l’avaient emporté sur la méthode au point que les militants des partis au commencement comme en ce jour ne sont que la symbolique du soi politique. Cela se démontre aisément.

Les racines du mal
Pour avoir régulièrement côtoyé voire suivi les formations politiques dans ce pays les 15 dernières années, il m’est aisé de comprendre la source essentielle de leur apathie et de leur manque de vision. On a fait la politique par à-coup, de façon réactionnaire et dans la vacuité programmatique générale. Alors que les partis ont été créés en réalité pour faire mieux que le RPT au pouvoir, ils ont fait moins en ce qui concerne notamment l’implantation, l’encadrement, la communication et la mobilisation. Certains, les plus forts en apparence ont facilement confondu la masse populaire à une masse militante. Mais là n’est pas tout le problème. La démocratie qui était la marchandise commune proposée sur le marché de la politique togolaise n’a pas été suffisamment promue en une valeur collectivement consommable. Ce défaut est à l’origine de bien de clivages et de fautes lourdes qui continuent de nos jours.

Cet état de chose ne concerne pas que les partis politiques. Les mouvements citoyens, associations, ONG et réseaux ont été aussi le foyer de graves contradictions et de manquements. Au vu de la nature du régime et de la place du pays au sein de la communauté internationale, l’action citoyenne aurait pu être fédératrice autour d’une vision elle-même civilisée. Or, qu’il s’agisse des organisations, de la presse ou des syndicats, on a plutôt joué à l’égoïsme. La plupart des acteurs sont intéressés par l’argent et le souci de résoudre des problèmes particuliers que par l’engagement citoyen véritable. Certes il y a des exceptions et quelques actes louables ; trop peu cependant pour avoir un impact suffisant sur la situation politique. En plus, du côté des organisations de base, il était et demeure invraisemblable d’entreprendre des choses dans le contexte particulier de ce pays en faisant abstraction de l’obligation démocratique. Même des projets de protection de l’environnement ou de lutte contre le SIDA échouent, tout simplement parce que mal ficelés au regard du contexte fait de prévarications et de mal gouvernance. J’approfondirai cette partie dans un prochain article. Car la société civile dans sa composante citoyenne mérite plus d’attention que les partis politiques qu’il faut encourager à abdiquer.

Crever l’abcès ou laisser faire ?
Pour combien de temps encore le Togo restera un Etat d’exception où rien ne peut marcher ? La question se pose et s’impose surtout vis-à-vis des nouvelles orientations stratégiques. C’est pour cela que je ne donne jamais raison à ceux qui pensent que le temps des paroles et des réflexions est révolu. Aucune initiative, quelle qu’en soit la nature ne peut aboutir au Togo si la question de la vision politique n’est réglée. La thérapeutique du changement au Togo passe par les mêmes ingrédients que ceux qui ont été utiles dans des régimes similaires en Europe de l’Est notamment. La masse sans intelligence et organisation devient inefficace et s’asphyxie face à l’adversité. La minorité RPT tant qu’elle sera mieux organisée imposera ses règles.
Il n’est pas question d’unir les opposants des partis politiques. C’est sans objet. Il n’est pas question non plus de rassembler tous les aventuriers de la libération nationale. L’enjeu, le seul qui permette d’entrevoir des lendemains qui chantent au Togo, c’est d’assainir le cadre de l’expression politique pour aller au-delà de l’objectif du changement. Inculquer en chaque Togolais impliqué dans cette dynamique la force et la discipline d’une équipe qui gagne. Il nous faut réfléchir et agir politique !

Tel est mon point de vue. J’aimerais connaître les vôtres.

Dany K. Ayida

7 thoughts on “L’idéal démocratique se nourrit de vision politique

  1. Cher Daniel, voilà, j’ai mis du temps à découvrir ton blog, mais désormais je passerai régulièrement.
    A suivre…

  2. Bonjour,

    Je crois que c’est une bonne réflexion et une contribution pour l’avancement de notre cause. Le problème de vision comme tu le soulignes si bien concerne aussi bien les partis que les organisations de la société civile. Mais alors, je me demande où tu laisses la diaspora dans tout cela. Tu sembles épargner cette diaspora qui était en vérité l’espoir de nos populations de voir le Togo libéré du joug de la dictature. Le rôle de nos compatriotes de l’extérieur dans l’entretien de l’illusion des partis a été fondamental. Mais il s’agit d’une responsabilité qu’on peut qualifier d’éparse. Puisque notre diaspora n’est pas rééllement organisée, ce sont des individus dans cette diaspora qui ont joué le rôle dont je parle.
    J’aimerais bien avoir ton commentaire là dessus.

    Amitiés
    Kossi A.

  3. Merci Alem d’y avoir fait un tour. Du coup je redécouvre que tu es resté égal à toi-même. Ton blog ne manque pas de punch et de … culot! On se tient ainsi donc et à bientôt sur l’autre recoin de maman Africa!

    Dany

  4. Hey Dany,

    Un ami m’a parlé de ton blog et j’y suis venu. J’ai lu ton article et je trouve les réflexions bien fondées. Je vois que la tête d’Eyadema continue à te hanter malgré qu’il soit mort depuis un an… Non c’est pour rigoler. Ainsi va l’Afrique avec ses cauchemars sans fin. Mais le Togo a de l’avenir je crois. Je connais tellement de Togolais compétents et sérieux que je ne peux jamais m’imaginier que ce beau pays reste en marge du vaste mouvement de l’Afrique vers l’excellence. Tout est question de programme et de compromis. Mais pas de compromission. J’ai vu aussi ton article sur le dialogue que vos leaders politiques ont fait à Lomé. Ne vous laissez pas entrainer dans ses fausses solutions dictées d’ailleurs pour préserver les intérêts qui empêchent les Togolais de se réaliser.

    Continue ce que tu fais et sache que tu n’est pas seul.

    Paul Okonyo
    l’ami de toujours.

  5. nous avons besoin de reflexion comme celle-ci cher frere,car notre lutte pour nous liberer de la tyrannie a beaucoup souffert d’aproximation, et de naivete.je suis d’accord avec toi surtout lorsque tu dis que les politiques confondent la masse populaire a la masse militante qui n’existe d’ailleurs plus dans notre pays depuis debut 1993 .j’espere que tes differentes contribution aideront tous les togolais a repenser leur strategie de lutte afin que la democratie vraie ,la bonne gouvernance et la fin de l’impunite deviennent la mode de vie sur la terre de nos aieux.
    je t’encourage a perseverer dans cette voie

    bona

  6. Bonjour Dany.

    C’est plaissant de te lire et je suis d’avis avec les autres pour dire que notre lutte pour le changement a besoin d’être à nouveau ré-fléchi. Ton article vient au bon moment, quand le RPT et l’opposition (les oppositions)tournent en rond sur le fameux dialogue. Le statu quo montre bien que la politique au Togo souffre d’idées et de nouveauté. Les mêmes personnes ressassent les mêmes bêtises depuis des années et on est là à parler toujours des mêmes choses. Je ne sais pas si vous l’avez constaté comme moi mais les sujets dont on parlait dans ce dialogue sont presque les mêmes dont ces mêmes personnes ont parlé à Ouaga en 1993.
    Alors quand tu mets l’accent sur la question de la vision, je suis d’accord qu’il faut inculquer une nouvelle vision qui aiderait les uns et les autres à réorienter les actions. De plus je pense que les Togolais ayant la même vision des affaires du pays doivent se retrouver pour murir leurs idées. Je crois par exemple à des actions conjointes entre quelques leaders de la société civile avec certains leaders politiques. Toi qui est de l’autre côté crois-tu que cela soit possible. Je connais le climat de méfiance qui règne mais, cette situation n’arrange personne.

    Sebastien.

  7. hi Dany,
    je viens de découvrir ton blog,super.c’est bien de savoir qu’il y a des citoyens qui pensent et agissent pour redonner au peuple togolais sa liberté et sa dignité.Bon courage
    Od.

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