Faure Gnassingbé et ses comparses qui ont pris le pouvoir à la suite de la mort d’Eyadema tentent tout pour se consacrer une légitimité à la tête du Togo. Après avoir refusé de reconnaître pendant plus de 30 ans le 27 Avril comme fête nationale du Togo, le régime RPT toujours en place à Lomé revient subitement sur l’événement en organisant à Lomé et dans plusieurs villes du pays la fête de l’indépendance avec un faste qui a surpris et troublé plus d’un. Pour le gouvernement, c’est le signe de la « réconciliation nationale » en cours. Mais pour moi et pour plusieurs militants de la démocratie, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une manœuvre de plus pour faire croire qu’il y a un changement de régime au Togo.
Il n’y a rien de plus normal que de reconnaître et de célébrer le 27 Avril, la date fatidique où le Togo a acquis sa souveraineté internationale et son autodétermination. On se rappelle que c’était l’une des revendications et des décisions principales de la Conférence nationale des forces vives du Togo en 1991. L’Acte VII de la Conférence l’avait expressément prescrit mais Eyadema s’y était opposé, continuant à faire de son 13 Janvier la fête dite de « libération nationale ». La pratique de dénaturation de l’histoire du Togo ressort de l’essence même du régime de l’Etat établi à partir de 1969 par le Rassemblement du Peuple Togolais, parti unique parti Etat. C’est la même pratique qui avait fait méconnaître le rôle des pères de l’indépendance. Même si en Janvier dernier l’usurpateur Gnassingbé Faure a prétendu réhabiliter Sylvanus Olympio, premier président du Togo, victime de son père.
En fêtant comme ils l’ont fait jeudi dernier le 27 Avril, les héritiers d’Eyadema ont voulu envoyer un signe fort tant à la communauté internationale qu’au peuple togolais. Ils ont voulu combler le déficit de confiance et de légitimité qui colle à leur pouvoir. Ils ont voulu aussi sceller une union avec le peuple réel en touchant un point sensible du nationalisme togolais. Ils ont joué sur le déterminisme du mouvement démocratique des années 1990 en s’alliant à la fois des activistes de l’opposition politique et des responsables de ces partis. Avoir dans la tribune officielle du défilé civil et militaire des leaders de l’opposition partisane comme Agboyibo et Gnininvi en tant que mascottes n’était pas une mauvaise idée en soi. L’opposition partie au dialogue voulait aussi donner un signe d’ouverture. Montrer qu’elle est prête à enterrer la hache de guerre… Je respecte ce choix. La realpolitik est à l’œuvre sur la Terre de nos Aïeux.
L’autre signe qui fut envoyé au peuple, c’est celui de l’inconscience et de l’insouciance. Inconscience parce que le mal du Togo ne se limite pas à des symboliques cérémoniales. Insouciance parce que le dialogue objet du dégel n’a encore rien donné et des milliers de réfugiés au Bénin, au Ghana et ailleurs se posent des questions sur le sérieux de ces responsables politiques. A quoi sert-il de célébrer une fête nationale réhabilitée dans un pays fissuré entre une minorité nantie et corrompue et une majorité dépouillée de toute liberté et de toute dignité ? Les Togolais ont toujours voulu une démocratie intégrale qu’ils assurent et assument sans la férule d’une armée et d’une famille. Et tant que ces dispositifs seront en place et que toutes les opportunités au pays seront entre les mains de ce clan, rien de sérieux n’est possible, quelle que soit la bonne volonté affichée.
La gentillesse des partis de l’opposition peut se comprendre aisément. Elle s’inscrit dans la droite ligne de la logique du dialogue de Lomé: se positionner pour occuper une portion du pouvoir gouvernement dans une hypothétique transition vers des élections législatives. Cette opposition veut plaire à Faure et à sa famille tout en continuant à défendre certaines exigences démocratiques. L’UFC elle, fait bande à part, incapable de se définir une conduire conséquente par delà la prééminence de son chef sur ce terrain miné. L’accueil clairsemé réservé par les Loméens à Gilchrist le 26 Avril doit inviter les responsables de ce parti à redescendre à terre pour repenser autrement leur présence sur l’échiquier politique en pleine recomposition au Togo. Mais tous les acteurs du renouveau ne sont pas encore en place…
Je ne crois guère à la volonté et à la capacité du clan au pouvoir à entretenir une dynamique populaire de retour aux valeurs de la République. Je suis convaincu cependant que tout ce geste est destiné à tromper la vigilance du peuple qui continue à rechercher les voies de sa libération. Et il faut être imbécile pour succomber à un tel traquenard. La solution, plus que jamais, se trouve ailleurs.
Dany