On en parle. Deux régimes parmi les plus forts d’Afrique du Nord sont tombés par la volonté de leur peuple. D’autres pouvoirs dans la région son menacés: Libye, Algérie, Yemen, Jordanie, etc… Et du coup des regards se tournent vers les pouvoirs autocratiques toujours en place au sud du Sahara. Ces régimes qui ont résisté aux changements démocratiques des années 90 et qui continuent à régenter des peuples éprouvés par des décennies de lutte. L’Afrique noire sera-t-elle perméable au vent de révolution qui souffle sur le monde arabe?
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Manifestation à Tunis |
Il va sans dire que les peuples africains ne sont pas insensibles aux changements qui ont commencé en Afrique du Nord. Que les Tunisiens et les Égyptiens aient réussi à faire abdiquer leurs dictateurs, rien qu’en se mobilisant et en persistant dans leurs exigences fait déjà des émules. Mais au delà de toute assimilation hâtive, il importe d’analyser les facteurs qui ont rendu possibles ces révolutions-là et essayer d’en tirer des leçons.
Des spécialistes mettent l’accent sur deux éléments majeurs qui ont rendu possible le grand élan des peuples tunisiens et égyptiens. Il s’agit d’abord de l’existence dans ces pays d’une nouvelle génération de jeunes bien formés, mais en rupture avec le système de gouvernance dans leurs pays. S’ils ne sont pas au chômage, ces diplômés vivent en marge du système socio-politique qui les régente. Ces jeunes représentant entre 25 et 30% de la population ne sont pas forcément politisés. Ils vivent la même réalité du désenchantement face à une classe politique vieillie et statique qui ne leur offre aucune perspective. Des études réalisées dans cette région du monde ont d’ailleurs montré que la majorité d’entre eux ont un niveau d’éducation appréciable.
Le deuxième facteur se rapporte aux avantages des nouvelles technologies. L’Internet, la téléphonie, les chaînes de télévision satellitaire qui leur permettent de communiquer plus facilement. La Tunisie est une référence sur le continent en matière de nouvelles technologie. Ils ont permis à la population grâce aux réseaux sociaux de se mobiliser. Ceci se conjugue avec d’autres facteurs pour donner un faisceau d’indicateurs qui ont favorisé le clash révolutionnaire. Voici quelques statistiques que propose le magazine Time dans sa livraison de Février:
– 56% des jeunes arabes utilisent l’Internet chaque jour;
– 54% considèrent que la télévision est la source d’information la plus sûre;
– 15% croient pouvoir lancer leur propre affaire l’année prochaine;
– 67% sont préoccupés par l’augmentation du coût de la vie;
– 30% quitteraient leur pays s’ils le pouvaient;
– En Afrique du Nord, 6 personnes sur 10 ont moins de 30 ans.
Cette tendance n’est pas très différente de la situatio dans les pays du Sud du Sahara. C’est cette frange de la population qui au Caire comme à Tunis a été le fer de lance des mouvements qui ont conduit au changement. Le dénouement a été rendu possible par un autre élément non négligeable: l’Armée. C’est parce que les militaires en Tunisie et en Egypte ont pris position pour les manifestants que le changement a été possible. Mais l’Armée au Niger n’est-elle pas en train de sauver la démocratie dans ce pays?
Il serait toutefois hasardeux de vouloir reproduire telles quelles les révolutions nord-africaines dans les pays du sud du Sahara. Les systèmes politiques par ici quoiqu’ayant les mêmes faiblesses structurelles reposent parfois sur des socles différents… Le niveau de vie des population et les manipulations ethniques pourraient être des freins. Il est cependant possible que chaque pays d’Afrique noire imagine sa façon de faire adhérer son peuple à une nouvelle dynamique qui apporterait ce changement. Des révoltes pourraient intervenir si elles s’organisent à l’intérieur des groupes sociaux, sur la base de valeurs partagées. La conscience citoyenne est indispensable pour alimenter cet engagement patriotique qui permet à des gens dévoués à leur patrie d’être prêts à s’offrir pour le bien commun. Cela demande de la méthode…
Les révolutions nord-africaines ont ouvert les yeux aux peuples africains qui n’ont pas d’autre choix que de parachever les changements à la réalisation desquels biens de sacrifices avaient été consentis plusieurs années déjà.