D’aucuns évoquent une nouvelle phase. Ce n’est pas qu’un problème de terminologie. À défaut d’un planning convenu et connu de tous, il est normal que les séquences soient appréhendées différemment. Le seul dénominateur commun c’est le 20 décembre 2018. Le déclencheur.
Du côté des forces democratiques (le conglomérat de tous ceux qui oeuvrent ou rêvent pour le changement), il y a lieu de changer de paradigme. Agir autrement pour réaliser le résultat attendu. On insiste sur la nécessité de réorganiser les forces. On recherche plus de cohésion afin d’insufler une nouvelle énergie à la lutte. Les partis politiques qui étaient au front tendent la main à la société civile. Jusque là, rien d’original.
L’intention est bonne, sans aucun doute. Mais il y a un souci technique : pourquoi pense-t-on que la nouvelle approche est la meilleure ? Comment peut on être assuré que cela marchera ?
Ces questions s’imposent dès lors que la réorientation proposée ne repose sur aucune évalution préalable. Qu’est-ce qui n’avait pas marché ?
Ce pourquoi nous insistons sur le bilan, ce n’est pas pour faire le procès de qui que ce soit. Cest plutôt dans un souci de vision et de positionnement axés sur une stratégie certaine.
Il ne s’agit pas d’une nouvelle phase du même scénario
Ce serait dommage si la chose se réduisait à poursuivre la lutte juste en ouvrant une nouvelle saison. La plupart des meneurs sur scène sont connus pour leur engagement durable. Ils n’ont pas démérité en continuant à croire que les choses peuvent changer. Leur endurance est exemplaire pour la nouvelle génération. Mais telle qu’on le voit la saison nouvelle de la lutte contre la dictature n’aurait rien de si nouveau. On prend presque les mêmes et on recommence la même chose.
Le contexte auguré par le 20 décembre et la nouvelle assemblée de marionnettes ne semble pas avoir été suffisamment intégré par certains acteurs. Pour eux, le régime Gnassingbe persiste à bloquer les réformes et à empêcher l’alternance. Alors il faut le contester, le dénoncer jusqu’au jour où, comme un fruit mûr, il tombe.
Cette position est la resultante des négociations hasardeuses qui ont été menées sous l’égide de la CEDEAO. Car il faut bien l’admettre, l’opposition a été lamentable dans cette histoire. Elle a joué dans une affaire inter-etatique comme s’il s’agissait de questions personnelles. Elle a manqué de professionnalisme. Certains de ses responsables ont commencé d’ailleurs à le reconnaître, sous cap…
Depuis la brave mobilisation du 19 Aout 2017 par le PNP, un certain nombre d’actions entreprises pour forcer le régime à céder ont manqué de doigté… Mais ici n’est pas le lieu du bilan. Et d’ailleurs n’ayant pas été directement associé à la coopérative de la C14, nous nous gardons de lancer des salves ici. Même si nous nous permettons un regard…
Toujours est-il que les législatives du 20 décembre ont eu l’effet d’un couperet. On a joué et on a perdu. Nous sommes tous comptables de cet épisode lamentable. J’ai personnellement fait une campagne médiatique contre les élections unilatérales sans les réformes. Je ne le regrette guère. Mais n’avions nous pas été pris dans un engrenage dont les partitions essentielles avaient été jouées d’avance ?
2020, le quitte ou double
La crise politique togolaise est restée intacte. Le même pouvoir use des mêmes subterfuges pour se maintenir . Faure Gnassingbe est dans la dernière année de son troisième mandat. La volonté de sa famille politique de le voir renouveler le bail ne fait pas de doute.
La raison pour laquelle UNIR s’est précipitée pour organiser les législatives, c’est de contrôler les réformes politiques. À présent que ce parti glouton a réussi à mettre hors jeu son opposition favorite, Faure et sa bande sont sur orbite. Les réformes telles qu’elles avaient été préconisées par la commission Awa Nana passeront comme une lettre à la poste. Il s’agit de deux changements majeurs : la limitation à deux du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours. Et la douillette musique dans les oreilles de l’héritier d’Eyadema, c’est la non-rétroactivité des nouvelles dispositions constitutionnelles.
Toute la manoeuvre va se dérouler à l’assemblée nationale constituée des copains et des coquins. Faure Gnassingbe aura la latitude, s’il le veut, d’être candidat pour la présidentielle de 2020!
La seule chose qui aurait pu l’en empêcher c’est la rue. Mais cette rue, le régime et son armée la contrôlent désormais. Ils en ont eu la preuve la plus remarquable le 20 décembre : la C14 avait demandé à ses partisans d’aller activement empêcher les législatives : rien n’y fit !
Face à cette réalité cuisante, il faut aborder 2020 avec un nouveau logiciel. Il n’est certainement pas question d’abandonner le terrain politique à UNIR et ses satellites. Le nouveau jeu consistera à affronter le régime sur son propre terrain. User autrement de l’onction populaire pour provoquer la fin de la dictature en la prenant à son jeu.
Ce nouveau cap de la lutte se joue déjà en cette année 2019. C’est le moment de la réorganisation des forces et de la mobilisation des ressources. C’est aussi le bon moment de nouer de nouvelles alliances et promouvoir au sein des populations le projet de l’alternance politique.
C’est à cela que nous travaillions deja . L’oeuvre est immense et doit mobiliser des volontés et des talents, par-delà les lignes traditionnelles. La “solution togolaise” se conçoit, hors des sentiers battus.
Dany Ayida (le 16 janvier 2019, entre ciel et terre)