L’année qui finit a été un véritable désastre pour notre peuple. La mort du dinosaure Gnassingbé Eyadema le 5 février 2005, considérée comme une occasion de libération pour le Togo qui a souffert son martyre 38 ans durant, n’a donné lieu qu’à de nouveaux cauchemars. Les événements sont encore frais dans nos mémoires. Je ferais offense aux Togolais tout comme à l’opinion internationale en voulant rappeler les circonstances catastrophiques de l’avènement de Faure à la tête de notre pays. Du coup de force militaire au brigandage électoral, on ne comptera que la détermination affichée par les filles et les fils du Togo ; ceux qui vivent au pays comme des centaines de milliers d’autres dans la diaspora… Nous avions su démontrer au monde entier que nous méritons mieux que ces minables qui prennent notre pays en otage.
Cette année a apporté aussi la preuve d’une désillusion : celle d’avoir cru que nous avions déjà une Nation soudée et consciente de ses attributs essentiels. Le mélodrame de la succession d’Eyadema a fait s’affronter deux Togo. Le Togo de ceux et celles, toutes origines confondues, qui ont cru en la démocratie et ont longtemps nourri l’espoir que le salut de notre petit et pauvre pays dépend de son acceptation à être gouverner comme un Etat de droit ; et le Togo d’une minorité, toutes origines confondues aussi, qui sont prêts à tous les sacrifices pour maintenir cet Etat rustique dans une gouvernance d’exception. Entre février et avril 2005, près d’un millier de compatriotes ont été tués pour ces causes. Des centaines de milliers de concitoyens sont partis vivre au Bénin, au Ghana, au Burkina Faso ou ailleurs : ils avaient commis le « crime » d’avoir opté pour le changement.
Toutes ces choses n’ont fait que reculer l’espérance du nouveau Togo de notre rêve. Pour ce Togo-là, nous étions engagés depuis plus de 15 ans, avec des compatriotes de toutes origines sociales et culturelles. Presque naïvement, nous croyions qu’il était possible d’imposer la démocratie chez nous, en opposant aux tenants du statu quo les règles de la conquête républicaine du pouvoir. A travers des partis politiques et des organisations citoyennes, nous avons travaillé pour une bonne compréhension du jeu politique moderne. Le Togo des démocrates n’a fait qu’essuyer des échecs depuis le déclenchement du processus démocratique. En cela, 2005 ressemble à toutes ces années où nous avions enterré nos proches fauchés par la dictature, ou assisté les myriades de déflatés qui se meurent faute d’une entente nationale véritable. Notre pays aujourd’hui plus qu’hier est une nation en pointillés…
D’aucuns proposent pour guérir notre mal que l’on réconcilie les deux Togo : celui des déchus de la démocratie d’avec les repus de l’autocratie conservatiste. L’alchimie tiendrait à des élections parlementaires propres permettant aux déchus de bénéficier d’une part du pouvoir grâce à la magnanimité des repus omnipotents. Les remèdes qu’on propose au Togo malade ne sont pas ceux qui génèrent le respect des libertés publiques et individuelles et assurent la gestion démocratique des affaires de notre société. C’est pour cela que je redoute fort que 2006 qui arrive ne se termine lamentablement sur d’autres échecs et de nouvelles plaies. C’est ce futur drame qu’il faut conjurer.
Il ne s’agit pas de veules complaintes comme on le croit en face et à côté. Il s’agit de comprendre et de faire comprendre que la démocratie au Togo ne saurait durablement souffrir d’arrangements bancals. Il faut que cette nouvelle année voit les enfants du Togo exprimer et faire triompher leurs profondes aspirations à la liberté et à la paix juste. Un de mes aînés, démocrate africain disait ce matin encore qu’il n’y a « pas de démocratie sans démocrate ». Le défi en 2006 pour les forces citoyennes serait de faire en sorte qu’il n’y ait que les démocrates qui vainquent au Togo.
Joyeuses fêtes à tous ceux qui croient en la démocratie au Togo et œuvrent pour son avènement rapide. Dieu de notre cœur et les mânes de nos ancêtres en seront reconnaissants à ceux qui malgré les turpitudes et les trahisons poursuivent la lutte pour le changement démocratique.
Dany K. Ayida