Nous avions sonné le tocsin dès la campagne pour le premier tour de la présidentielle française. Nous soutenions, avec raison, qu’au regard de la calamité qu’avait été le premier mandat d’Emmanuel Macron pour l’Afrique, un second risquerait de provoquer un désastre sur le continent. Bien sûr, c’est loin d’être une caricature. Nous avons assisté au cours des cinq dernières années à des actes de déni et de trahison. Les Africains qui avaient fondé de l’espoir, en comptant sur la jeunesse et l’apparente virginité politique du président, pour transformer les scabreuses relations franco-africaines ont dû déchanter !
Au début du quinquennat, nous avions suivi le discours de Ouagadougou : où Macron promettait à la jeunesse et aux peuples africains des changements. On croyait à la capacité du locataire de l’Élysée à rompre avec les pratiques incestueuses, la corruption morale et financière qui caractérisent les relations entre les anciennes colonies et l’ancien métropole. Ils ont été trompés!
Nouveau mandat, nouveaux défis
De quoi sera fait le deuxième mandat ? Aux français, hier, le président réélu a promis une «nouvelle ère ». L’analyse du déroulement de la présidentielle 2022 avec à la clé une France fracturée l’impose. Est-ce que le renouveau promis serait applicable également à la politique franco-africaine ?
Au prime abord, il faut admettre que le président Macron n’avait rien promis, ni à ses électeurs ni aux Africains concernant l’avenir de ces relations. Au surplus, il affirmait presque accidentellement qu’il était fier de son bilan en Afrique. Mais qu’en est-il au juste dudit bilan ?
Au cours du premier mandat, la France macronienne avait conservé les principaux avatars de ses liens avec les potentats sur le continent. Il joua des relations avec les dirigeants les plus retors, pour sauvegarder certains intérêts coupables. Il en est ainsi du dossier du franc CFA. Cette monnaie coloniale dont les peuples africains veulent se débarrasser, définitivement. Macron a réussi à torpiller (provisoirement) la création de la monnaie commune “Éco” de la CEDEAO. En proposant de renommer le CFA actuel du nom de la nouvelle monnaie unique, il a créé de la division entre les États de la sous-région…
Macron est dans son rôle!
On aurait tort au demeurant de condamner le numéro 1 français de défendre les intérêts de son pays. C’est pour cela que les Français l’ont élu. Et nul observateur averti ne peut s’y méprendre. Ce qui nous préoccupe est d’ordre moral. Il s’agit de liens néocolonialistes, attentatoires au développement des pays d’Afrique. Ces liens qui fouler au pied des valeurs et principes chers autant aux Français qu’aux Africains. Des pratiques d’un autre temps que les anciennes puissances coloniales européennes congénères ont abandonnées depuis longtemps, ce qui ne les empêche pas de tenir leur rang au niveau mondial.
On nous rappellera que c’est avant tout à nous de faire bouger les lignes. Oui, c’est aussi à nous Africains de défendre les intérêts qui sont nôtres. A nous intellectuels et leaders d’opinion d’éduquer nos populations sur ces enjeux. A nous de rendre redevables des dirigeants comme Ouattara, Gnassingbe, Sall… et tous les strapontins qui se bousculent dans les palais présidentiels pour plaire à Paris.
Alors demain sera fait de ce que nous voudrions qu’il devienne. Le monde change: les vérités à sens unique ne sont plus! Nous avons la capacité d’influencer les décideurs de nos gouvernements , tenir la France responsable de ses actions et ses omissions dans nos pays .
Avancer en harmonie ou périr
Le nouvel ordre sur le continent se profile à l’horizon. Ce sont trois anciennes colonies de la France qui se jettent dans les bras de Poutine. La République centrafricaine, le Mali et récemment le Cameroun ont décidé se confier La Défense de leurs territoires à la Russie. Voilà l’autre échec imputable, partiellement, à Macron, à l’Europe claudicante, et l’allié américain dont on ne comprend plus rien des ambitions dans ce monde en transformation.
Des enjeux importants vont se jouer en Afrique au cours des 5 prochaines années. La crise ukrainienne pourrait voir son prologue se jouer au cœur de l’Afrique. Les jeunes démocraties africaines sont menacées. Beaucoup de pays vont péricliter, mais d’autres s’en sortiront. Si la France continue à prendre le parti des dictateurs contre les peuples, la déchéance n’est pas à exclure. Et les conséquences sont désastreuses.
À Paris, on s’émeut de la montée du sentiment anti-Français sur le continent. Mais ceux qui manifestent ces émois semblent ignorer les causes profondes de la désaffection… La France de demain par rapport à l’Afrique, c’est aussi la crise terroriste dans le Sahel. C’est la qualité des coopérations. On jugera sur pièce : parce que l’Afrique n’appartient à aucune puissance étrangère. Demain, rien ne sera comme avant.
Dany K. Ayida
(Des adversaires de principe et des alliés de circonstance)