Au Togo, se remettre en cause pour dégager la dictature en 2020

Aucun opposant qui se respecte ne peut accepter d’aller aux élections à n’importe quel prix. Ceux qui le font accroire sont des lâches et des marchands d’illusion!

Dans un Etat aussi caporalisé que le nôtre, quand on s’exclut soi-même d’un tel processus, il ne vous reste que 2 kilomètres carrés pour protester dans un coin de banlieue… Et dans l’histoire, aucune dynamique populaire n’est jamais portée par une démarche partisane.

Les espaces de liberté tout comme les raisons de contestation se trouvent dans le processus électoral. Personne au monde ne vous écoutera quand vous vous plaignez de fraudes ou de manipulations dans une élection à laquelle vous ne participez pas. Et personne ne vous obligera à demeurer dans une élections dont les dés sont pipés. Or au Togo, nous avons encire des mois avant ces élections.

Dans un élan purement populiste, certains font croire aux militants et autres partisans du changement qu’il suffit de manifester l’intérêt pour une élection pour avoir trahi. C’est une attitude politiquement puérile. Car au fond, les dynamiques les plus gagnantes (en Afrique et ailleurs), permettent à quiconque n’est pas satisfait de dénoncer, en prenant appui sur des aspects spécifiques de l’organisation des élections. Quand on a le courage de créer des associations et partis politiques dans un tel système, c’est la carte à jouer. A moins de posséder une armée et passer à autre chose…

Au Togo, l’opposition deviendrait forte en devenant plus stratégique. Aujourd’hui ce ne sont pas les “Réformes” qu’il faille revendiquer. Parce que cela ne veut rien dire dans aucun langage politique. Il faut réclamer des choses pertinentes et spécifiques. D’autres pays sont passés par là ces dernières années. Nous n’inventons rien. Mais nous apprenons mal les leçons!

L’autre problème, c’est quand des partis politiques en viennent à se couper les ailes eux-mêmes. C’est ce qui arrive lorsqu’on réclame absolument tout d’un régime sur lequel on n’a aucun pouvoir. Après avoir grillé la carte de la CEDEAO et s’être attiré le dédain du G5 (France, Allemagne, USA, UE, UN), il ne faut pas continuer à faire les révolutionnaires aux bras cassés!
Certains appels au peuple (et à l’armée) ne sont pas crédibles: le peuple que nous connaissons tous ne veut pas aller à l’abattoir: il veut les leaders qui le conduisent à la victoire, en exploitant toutes les opportunités qui se présentent, tout en restant fermes vis-à-vis du pouvoir autocratique.

Qu’on se le disent: rien ne peut se faire dans l’ambiance actuelle où certains pensent qu’ils parviendront seuls là où ils n’ont pu rien faire avec les autres. Sans une nouvelle alliance axée sur des objectifs précis et immédiats, on trahit l’intérêt du peuple qu’on porte en étendard.

Quand on a passé 20 mois à tourner en rond, on ne fait pas du neuf en entonnant la même chanson, surtout quand on est isolé. Pas dans le désordre actuel, où personne ne veut écouter personne et où le militantisme de premier étage prend le dessus sur la conscience patriotique. Nous devons nous raviser et changer vite de fusil d’épaule.
Ce que nous faisons et préconisons: la réorganisation des forces politiques favorables au changement, des actions diplomatiques ciblées pour affaiblir le système, la surveillance des modifications unilatérale de la constitution par le régime…

En laissant Faure Gnassingbé et les siens organiser et participer seuls aux élections locales et présidentielle, sur la lancée des législatives de 2018, on contribue inconsciemment à perpétuer le régime. On le fait d’autant plus franchement que l’alternative proposée n’est que pure loterie.

Nul ne peut édulcorer le fait que le soulèvement populaire à la base de la démarche de la C14 a été un échec. Peut-on fermer les yeux et poursuivre le chemin comme si de rien n’était?

La présidentielle 2020: c’est le scrutin autour duquel tout doit se jouer. Il s’agit d’une goupille pour achever la tyrannie. La candidature d’un tel ou d’un autre n’est pas le problème. On sait que tout le monde veut se voir dans la peau du successeur de l’autocrate, celle du sauveur du peuple: mais en a-t-on objectivement les moyens?

Il y a urgence à rassembler les forces: ceci ne peut se faire qu’autour de projets politiques cohérents, par-delà les prétentions des uns et des autres. Heureusement, les divergences ne portent que sur les approches pour réaliser l’alternance. Ce n’est pas un drame. On n’affronte pas une dictature vieille d’un demi-siècle comme on va à la chasse l’agouti.

La myopie politique de quelques-uns est un désastre; mais nous pouvons y remédier. Je pourrais paraphraser un politicien en disant: ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise.

Ma position est sans équivoque: le peuple ne réclame pas une révolution; il veut le changement. Et il a trop attendu!

Dany K. AYIDA (Contribution au débat qu’on ne peut continuer à fuir).