La Nouvelle Entente : facéties démocratiques au Togo

Je suis navré de rompre le compromis quasi-unanime qui impose visiblement aux acteurs politiques et sociaux dans notre pays d’observer le silence ou l’adhésion au cours actuel des affaires, depuis la signature du fameux Accord politique et la formation du gouvernement qui se veut d’union nationale. Je remarque que les responsables des 7 partis politiques qui ont signé ce accord et leurs alliés d’une certaine société civile s’entendent parfaitement pour faire embargo sur certaines questions essentielles de la politique nationale. La nouvelle entente rassemblant tous ceux qui se croyaient imbus de prérogatives exorbitantes sur la politique, il ne resterait aux autres qu’à se taire ou se ranger, en attendant leur part du gâteau. Deux événements ont retenu mon attention ces derniers jours : la célébration de l’anniversaire du 23 septembre par le nouveau gouvernement d’union d’une part et les efforts consentis par Monsieur Olympio Gilchrist pour rattraper la caravane gouvernementale d’autre part. L’un dans l’autre, on se rend compte que le Togo fonce dans une facétie qui assoira pour longtemps un nouveau système de prévarication dans lequel les opposants d’hier deviennent de purs flibustiers prêts à tous les deals pour subsister et les autocrates d’hier, des proxénètes d’un certain genre politique.

L’ordre qui règne aujourd’hui à Lomé peut se résumer en l’expression suivante : s’associer au RPT pour avoir droit à quelques privilèges d’Etat ou refuser la compromission et être relégué dans les oubliettes de la régence familiale en place. M’opposant personnellement aux intérêts individuels et étant réfractaire à toute promotion politique aux antipodes des valeurs démocratiques et de la justice sociale, je me reconnais le droit de dénoncer la nouvelle entente.

1- L’accord politique du 20 Août induit la prostitution des opposants d’hier

Eyadema avait raison de confier sa succession à Faure. En l’espace d’une année, le jeune héritier a réduit l’opposition en une bande de mendiants sans repères, s’adonnant à toutes les vilenies de courtisans pour avoir droit à des récompenses. La nomination du Premier ministre a fait l’objet de deals des plus saugrenus. La formation du gouvernement d’union a été un marchandage à la manière de la pègre. La nomination de Kodjo à la présidence comme ministre d’Etat relève d’un calcul qui sauvegarde et conforte une nouvelle fédération politique, laquelle ambitionne et est assurée de remporter les prochaines élections législatives. L’illustration la plus évidente de cette stratégie du salamalek est la participation de tous les opposants membres du gouvernement à la commémoration des festivités du 23 septembre. Cette date rappelle ce que le régime appelle « attaque terroriste du 23 septembre 1986 ». Pendant 20 ans, le RPT s’était servi de cela pour déblatérer l’image des opposants. Que Agboyibo, Gnininvi et leurs lieutenants aillent s’agglutiner dans une tribune pour suivre un défilé militaire puis faire bombance dans un dîner de gala en ce jour anniversaire est la consécration d’une bêtise politique dont ils pouvaient se passer. Le 23 septembre n’est pas une fête légale au Togo et la participation au gouvernement n’oblige guère les opposants à se réduire dans ce rôle de sous-fifres. Serait-ce un signe de la réconciliation qui est scellée à Lomé ? Diantre que non ! Le Togolais landa de Binaparba se demande qui sont donc ces terroristes et à quoi rime finalement l’Accord du 20 Août.

2- Gilchrist Olympio n’a toujours rien compris

Le leader de l’UFC s’est fait b… dans le dialogue intertogolais et la signature de l’Accord. Ce n’est pas la première fois que ce monsieur fait montre d’un tel infantilisme. Il continue de croire que la politique au Togo relève d’une logique quelconque qui voudrait que les rôles soient partagés en fonction de règles établies. Il est mal conseillé et a mal négocié l’accord dont il est finalement le premier perdant. Olympio a maintenant recours à Blaise Compaoré pour se faire attribuer des postes dans le gouvernement d’union qu’il a boudé après avoir perdu la primature. Ce que l’UFC n’a pas compris, c’est que le RPT ne lui fera aucun cadeau et que tout est fait pour qu’elle perde la face, définitivement.

Dans les conditions actuelles, on ne peut accorder que très peu de crédit au CAR et à la CDPA qui sont dans ce gouvernement et moins encore à l’UFC qui se cherche et n’a aucune stratégie. Ce parti est à l’épreuve des réalités, avec Amah Gnassingbé qui a accepté d’aller dans le gouvernement et conduit la fronde contre le leader. Cette déchéance annonce la fin de l’illusion, car l’UFC n’est pas capable de mobiliser des citoyens et des ressources pour gagner les prochaines élections. Elle n’est pas capable non plus de construire une coalition contre l’entente actuellement aux affaires. Le mythe s’érode comme on devrait s’y attendre. Faure a raison de dire qu’il règnera plus longtemps que son père… La nouvelle entente tue tout espoir de changement au Togo.

Face à ces jeux, les Togolais se posent des questions.

Dany Ayida