Au Togo, le peuple n’a plus rien à démontrer

Une amie sur Facebook m’a posé la question de savoir ce que je pense de la “faible mobilisation” dans les manifestations organisées hier par l’opposition de la C14. Entre autre argumentation, je lui ai fait savoir que “notre peuple n’a plus rien à démontrer”. Puisqu’elle m’a demandé d’élaborer cette idée, je le fais sous forme de ce petit article.

L’action politique doit toujours être animée et motivée par une vision. Et dans le contexte du Togo, l’engagement pour le changement ne date pas d’aujourd’hui. Il a connu diverses péripéties au cours des 29 dernières années et les événements des mois récents n’ont fait que surfer sur la vague d’un élan récurrent que la classe politique de l’opposition entretenait vaille que vaille.

Après le 20 décembre 2018, il est difficile de continuer à faire les choses comme avant. Les populations ont besoin de savoir ce qu’on leur propose et où on les mène. Non seulement les meneurs des actions de mobilisation populaire (et des négociations politiques) n’ont pas rendu de bilan de leur action, mais ils ne proposent rien de nouveau face aux donnes auxquelles le peuple doit faire face. Les enjeux sur lesquels on a convoqué les populations étaient pertinents, certes. Mais la démarche n’était pas convaincante. Les tentatives d’intimidation par les forces de l’ordre n’ont rien à y voir, sérieusement.

Une marche politique pacifique est une démonstration. Démontrer son désaccord, manifester son adhésion à une orientation, rejeter des décisions ou revendiquer une chose précise… Si les populations réagissent favorablement, c’est qu’elles auraient adhéré à toutes ces choses. Le peuple veut toujours les réformes, il veut la libération des prisonniers, il n’est pas satisfait des conditions de déroulement des législatives qui ont enfanté l’assemblée-marionnette. Mais il sait aussi ce qu’il ne veut pas: tourner en rond!

J’estime que le peuple n’a plus rien à démontrer, parce qu’il a déjà tout prouvé: son désir de changement, son rejet de l’arbitraire, sa désapprobation de la mauvaise gouvernance, etc… Alors quand on l’invite pour se répéter, il boude!

Le citoyen togolais lamda se pose des questions auxquelles aucun des acteurs de cette opposition ne risque de donner de réponse: quelle est la place et quel est le rôle de l’opposition politique dans le processus des réformes avant la présidentielle de 2020? Quelle valeur donner à la nouvelle assemblée nationale et aux décisions qu’elle va prendre? Comment les forces démocratiques peuvent-elles influer sur les réformes que le pouvoir UNIR veut réaliser…?

Et puis, ce peuple-là, ne croit point à la “révolution” qu’on veut lui fourguer depuis des lustres et qui relève plus d’un idéalisme aux contours mal définis devient plutôt chimérique, il ne se retrouve plus… Il cherche le bout du tunnel et il ne veut pas entendre des opérateurs politiques qui lui disent, sans y croire eux-mêmes, que c’est à lui de se débrouiller, parce que sa cause est bonne et sa “lutte invincible”.

Il y a autre chose à faire aujourd’hui que l’arithmétique des partisans qu’on serait capable de mettre dans la rue ou en prison: tracer la voie sans équivoque vers l’alternance en 2020, et mettre à la retraite la classe dirigeante actuelle qui est fatiguée et n’a plus rien à proposer. Et là, le peuple aura son mot à dire.

Dany Ayida (longue réponse à une petite question qui mériterait qu’on en débatte à tête reposée, si tous les protagonistes comprenaient les choses).